Beaconsfield
Les origines de BEACONSFIELD
Présentant un intérêt stratégique particulier pour la défense non seulement de Ville-Marie, mais aussi de la traite des fourrures, il ne fallut pas longtemps pour que l’ouest de l’île de Montréal se peuple. Les Sulpiciens, seigneurs de l’île de Montréal depuis 1663, s’efforcent de tirer profit de leurs terres en accordant des concessions le long du lac aux nobles, riches marchands et braves soldats du glorieux régiment de Carignan-Salières.
La première concession sur le territoire actuel de Beaconsfield est accordée à Jean Guenet en 1678. Chapelier de métier, Guenet est également contrôleur des terres du roi et percepteur des seigneurs de l’île de Montréal. Par ces rôles et ses relations cordiales avec les Sulpiciens, Guenet découvre les environs et recherche les meilleures terres. Il acquiert un terrain riverain de 4 arpents de largeur sur 20 arpents de profondeur, qui deviendra le lieu de naissance de Beaconsfield. Il l’a nommée Pointe de Beau Repaire (Beaurepaire). Aujourd’hui, ce site est mieux connu sous le nom de Thompson Point. Guenet allait acquérir d’autres concessions dans l’ouest de l’île, dont une partie de la concession de Bellevue à Sainte-Anne et une autre à Lachine. D’autres colons l’ont rejoint.
La Grande Paix au secours du développement
Pourtant, le développement de l’ouest de l’île de Montréal a été freiné par sa vulnérabilité aux attentats. Vivre hors des remparts de Ville-Marie était en effet périlleux car l’hostilité des tribus amérindiennes en guerre contre les Français menaçait constamment les efforts de colonisation naissants. Plusieurs colons français sont massacrés en 1689 lors d’un raid iroquois sur Lachine, stoppant pour un temps l’expansion de la région. La Grande Paix de 1701 entre les Français et les Amérindiens relance la colonisation non seulement dans l’Ouest-de-l’Île, mais partout à l’extérieur de Ville-Marie. L’Ouest-de-l’Île a enfin pu grandir.
Beaurepaire se développe progressivement tout au long du XVIIIe siècle. L’arrivée du chemin de fer dans la seconde moitié du XIXe siècle donne un nouvel élan à son expansion. En fait, le train a permis à de nombreuses familles aisées nées de la révolution industrielle d’envisager de vivre l’idéal romantique du gentleman-farmer. Les vastes terres de Beaurepaire et des environs accueillent rapidement ces personnes aisées qui construisent de somptueuses demeures sur de grands domaines. Une deuxième vague de riches colons a suivi, peuplant Beaurepaire en construisant des résidences d’été au bord de l’eau où ils pouvaient échapper à l’agitation de la ville et profiter de l’air frais.
Cela a quelque peu modifié la démographie de Beaurepaire au cours de la seconde moitié du 19e siècle. À l’instar de plusieurs autres villes, les 375 habitants de Beaurepaire se retrouvent résidents d’une toute nouvelle ville lors de l’incorporation de Beaconsfield le 4 juin 1910. La séance inaugurale du conseil municipal, présidée par le maire Joseph-Léonide Perron, se tient le mois suivant dans une modeste école du vieux village.
Joseph-Léonide Perron, premier maire de Beaconsfield
Né le 24 septembre 1872 à Saint-Marc-sur-Richelieu, Joseph-Léonide Perron a étudié le droit à la succursale de Montréal de l’Université Laval. Il obtient son diplôme de droit en 1892 et est admis au barreau en 1895.
Il est rapidement devenu l’un des avocats les plus respectés de Montréal. Personnalité éminente qui avait tissé des liens stratégiques pour sa carrière, Perron est entré en politique en 1910 en devenant le premier maire de Beaconsfield, où il possédait une résidence d’été.
Il en restera le maire jusqu’en 1916. Conscient de l’importance grandissante de l’automobile, Perron marquera l’histoire de la ville par sa volonté de développer un réseau routier de qualité. En 1912, le journal La Patrie loue les efforts de Perron en déclarant que la ville de Beaconsfield possède l’une des plus belles routes de tout le Québec. Et pour cause, rapporte le journal : la route avait coûté 7 000 $ le mille, alors que le salaire moyen à l’époque au Québec n’était que d’environ 450 $ par année !
La carrière politique de Perron fait rapidement le saut au niveau provincial lorsqu’il se présente comme candidat libéral aux élections partielles de Gaspé en 1910. Deux ans plus tard, il est élu député de la circonscription de Verchères. Étoile politique montante, Perron devient rapidement un rouage important de la machine libérale. Lorsque le premier ministre Lomer Gouin se retire de la politique en 1920, Perron est l’un des candidats les plus prometteurs à la tête du parti.
Cependant, Gouin choisit Louis-Alexandre Taschereau comme remplaçant.
Taschereau a ensuite nommé Perron ministre des chemins en 1921, et six ans plus tard, ministre de l’agriculture. Dès son entrée en fonction, le réformiste Perron propose de mettre en place un programme d’autosuffisance agricole qui met l’accent sur les nouvelles technologies, la commercialisation moderne, l’électrification des campagnes et l’exportation des produits. Alors que certains ont applaudi ses propositions, les conservateurs se sont méfiés.
Fort de ses succès, qui avaient fait de lui l’un des politiciens les plus en vue de la province, Perron est resté concentré sur un plus grand prix : celui de chef de parti. Sa relation tumultueuse avec Taschereau finit par se transformer en une rivalité qui poussera Perron à convoiter le poste de premier ministre.
En 1930, alors que tout indique que Perron est sur le point de détrôner Taschereau et de prendre la tête du parti, une crise d’angine de poitrine met un frein à ses ambitions. Ses jours étaient désormais comptés. Le 20 novembre 1930, à l’âge de 58 ans, Joseph-Léonide Perron meurt d’une crise cardiaque.
De Beaurepaire à Beaconsfield
Lorsque Jean Guenet s’installe dans la région en 1678, il nomme sa première concession Beaurepaire. Ce nom à consonance française perdurera pendant près de deux cents ans. Le nom de Beaconsfield n’est apparu pour la première fois qu’en 1877, lorsque John Henry Menzie a donné à sa ferme et à son vignoble le nom de son ami, politicien et romancier Benjamin Disraeli, qui était également comte de Beaconsfield et premier ministre d’Angleterre (1874-1880).
Compte tenu de l’évolution démographique du 19e siècle, au cours de laquelle de nombreux anglophones se sont installés ou ont séjourné dans la région, il n’est pas surprenant que le conseil municipal ait choisi ce nom en 1910 lors de l’incorporation de la ville.